Interwiev de Julia Cagé et Thomas Piketty dans...

Interwiev de Julia Cagé et Thomas Piketty dans la revue alternative economique

Article mis en ligne le 29 octobre 2023

On pense que les pauvres votent moins et que cela a toujours été le cas. Pourtant dans les années 1950 à 1980, les pauvres votaient davantage que les plus riches. C’est une période qui contient énormément de progrès social. Depuis la situation s’est inversée.
A cela s’ajoute, la division des classes populaires urbaines et rurales qui s’est accrue avec la remontée des inégalités territoriales.
Aujourd’hui, les ouvriers habitent plus dans les petits villages alors que dans les banlieues on trouve davantage de petits employés, de service, de restauration, des métiers du soin, qui sont plutôt des électeurs de gauche.

Et les gens qui habitent dans les communes les plus modestes votent moins. Ils se disent, à quoi bon voter si les politiques sont toujours les mêmes. Il y a un très fort sentiment d’abandon qui est double face à la mondialisation et à la perte des services publics.
Conjointement, les élus ne cherchent pas mettre en place des politiques ambitieuses pour cette population qui ne vote pas.
Tandis que la gauche réussit à se maintenir dans les grandes agglomérations.

La tripartition

A partir des années 1980-90, la concentration accrue de la production de richesse dans les grandes métropoles a favorisé le développement d’un système de tripartition électorale avec l’émergence de l’extrême droite.
Les électeurs du RN sont des ouvriers de classe moyenne inférieure habitant ces bourgs et ces villages.
La tripartion permet au bloc central et libéral de s’appuyer sur les divisions pour occuper le pouvoir avec une base électorale relativement faible. La stratégie du bloc central consiste à dire c’est moi ou le chaos, moi ou les extrêmes.
Pourtant entre 1910 et 1990, la bipolarisation de l’électorat s’était imposé en partie grâce au travail programmatique de la gauche pour rassembler les électeurs populaires urbains et ruraux.
Dans un système de tripartion, il est possible de faire passer une réforme des retraites avec une opposition très forte à plus de 70% de la population sans conséquence majeur pour le parti au gouvernement. Alors qu’au début des années 20, la droite a renforcé l’impôt progressif car elle craignait l’arrivée de la gauche au pouvoir. On retrouve le même phénomène avec le développement de la protection sociale et de la hausse du salaire minimum dans les années 60-70.
La montée du FN/RN
Le FN (front national) de 1980 était plus urbain. Il jouait sur les peurs contre les immigrés.
Mais ce sujet a été récupéré par la droite chiraquienne et sarkoziste. Le RN a donc eu besoin d’élargir sa base, et récupère maintenant le vote ouvrier rural et des petits propriétaires.
En marche
Au sein de la bourgeoisie, le vote à droite est hégémonique.
Emmanuel Macron s’appuie massivement sur les électeurs les plus favorisés dans une proportion que l’on n’a jamais vue historiquement.

« Graphique1 : vote au centre droit des communes en fonction de leurs richesses au cours de différentes élections présidentielles »

Comment revenir à la bipolarisation ?

La gauche doit se trouver des représentants dans le monde rural car leurs élus sont de moins en moins à l’image des plus modestes, issus du monde rural ou urbain.
On avait 12 à 15% d’ouvriers et d’employés parmi les députés avant de descendre à 0 puis de remonter à 3% principalement grâce à quelques élus du RN.
La gauche doit également développer une plateforme programmatique ambitieuse en termes d’accès aux services publics.

La revue donne ensuite une sélection de 10 graphiques avec une analyse de Christian Chavagneux journaliste à Alternatives Economiques dans le n° 439, d’octobre 2023.
En voilà un parmi d’autres. Il illustre la remontée des inégalités de territoire ces 10 dernières années.

« Graphique 2 »

Chacun peut accéder à la plateforme de données qui accompagne le livre. C’est ce qui est fait dans cet article avec le graphique 1.
On peut y voir le vote dans chaque commune comme faire des graphiques grâce à la collecte des données des archives nationales.
Thomas Piketty explique qu’intégrer ces données a demandé 4 à 5 ans de travail.
Alors profitons en : l’accès est gratuit.
www.unehistoireduconflitpolitique.fr